Doucement mais sûrement, sous la pression des grandes enseignes et de l’extension des réseaux auto routiers ou ferroviaires, le paysage des bords de route change. Il s’uniformise, se normalise jusqu’à devenir presque monotone ou, du moins, répétitif. Désormais, à chaque ville sa Z.A.C., sa grande surface, son Mc Donald et son Buffalo Grill. L’initiative individuelle et les frasques signalétiques qu’elle produisait y perd progressivement du terrain pour ne plus subsister qu’à l’état d’anomalie. C’est à ces anomalies que je consacre du temps.
Je voudrais (mais qui ne le voudrait pas ?) qu’il n’y ai pas de malentendu. Tous ces objets, qu’ils soient spectaculaires ou pathétiques, vulgaires ou gracieux, ingénieux ou farfelus, je ne les considère pas comme des “œuvres” qu’il faudrait en quelque sorte réhabiliter. Loin de moi l’idée de tout aplanir sous le rouleau compresseur relativiste. Simplement il me parait tout de même important de porter un autre regard, un regards plus “respectueux” sur ces dispositifs dont la finalité est d’abord d’être vue, de séduire et in fine d’exister dans la jungle des signes comme telle espèce d’orchidée doit pouvoir se distinguer dans la multitudes des stratégies que déploient les espèces pour subsister ou croître. C’est cette bio diversité des signes et des stratégies de visibilité que je défends. J’ignore d’où cela me vient mais je crains plus que tout que la singularité disparaissent aussi j’identifie ces curiosités -comme ces mauvais élèves qui du fond de la classe mettaient plus d’intelligence et de talent à préparer quelques coups fumeux plutôt qu’à se fondre dans la masse- à quelque chose qui témoigne de l’indispensable variété des imaginations. C’est dans ce sens, que depuis des années et cela d’autant plus que je ne peux que constater leur raréfaction, que je m’attache à documenter les bords de route. Je n’ai pas de sympathie particulière pour le goût kitsch et du reste, j’ai toujours trouvé qu’il y avait un certain sentiment de condescendance chez ceux qui s’extasient devant la naïveté des sous produit de la culture pop. Pourtant beaucoup des objets présentés ici relèvent de quelque chose d’approchant mais qui me semble autrement plus respectable. Quelque chose qui a à voir en définitive avec la liberté, celle d’en faire un peu trop, un peu approximativement, cette liberté de s’auto proclamer, au mépris de toutes les règles de la bienséance, maître de ses choix fussent-ils laids et envahissants. J’ai assez envie qu’il demeure par-ci, par-là ce genre d’imprévu qui permet à mon travail de se poursuivre. D’une certaine façon que le combat ne cesse faute de combattants. Je serais content que ce travail soit perçu ainsi.































