La diagonale du vide – 2010
La salle de bains, Lyon
Commissaires :
Jill Gasparina, Caroline Soyez-Petithomme
Point limite zéro
Venant de Paris par l’autoroute 71, je passe sous cet ouvrage incongru (4) qui signale au voyageur fatigué l’Aire de repos du Centre de la France. Tel un axe sur lequel reposerait en équilibre l’hexagone (2), ce monument fait par ailleurs office de passerelle permettant d’enjamber la diagonale du vide (1) et c’est vrai que penché sur le garde-fou, on est pris de vertige. Mais le Centre, l’unique, celui que je suis venu voir, se trouve à quelques kilomètres de là. Pour m’y rendre, je quitte la A 71 en direction de St Amand-Montron où, à la sortie de la bourgade, se dresse cet édifice remarquable de prétention (5) “Le Diamant Noir“ tel qu’on le surnomme parfois dans la région - et dont je ne peux que relever les complémentarités structurelles et formelles avec celui cité précédemment. St Amand offre par ailleurs quelques autres curiosités qui, je pense, valent le détour. Mais là n’est pas le propos.
Par la N 142 je remonte donc vers Bruère-Allichamps. une route sans surprise traversant des collines boisées et me voici, enfin, au Centre de la France. Au milieu d’un croisement, au cœur du bourg, une colonne (6) (datant tout de même du 3e siècle) surmontée d’un drapeau tricolore marque assez modestement le point nodale (je repense à Roald Amundsen atteignant le Pôle Nord). Ici on célèbre, non pas un homme ou un événement, mais un point, autant dire rien. Un monument unique par définition. En ce lieu convergent, discrètement, le tout et le rien, la théorie et la pratique, la géométrie et la géographie, le réel et sa représentation. C’est un peu déceptif sur l’instant cependant une nuit à l’Hôtel des Tilleuls suffira à me faire prendre la juste mesure de l’instant.
En effet, si on considère l’hexagone non comme un plan mais comme la représentation d’un cube en perspective axonométrique (3), je me trouve comme en équilibre à la pointe exacte où se rejoignent, l’horizontal et le vertical. Une limite au-delà de laquelle, s’aventurer signifierait chuter. Dès lors, je conçois qu’en dix années passées à sillonner la France, je n’ai jamais franchi les frontières de ce territoire que dessine la surface claire sur le schéma. Je comprends qu’il s’agit là, selon toute vraisemblance, d’une peur archaïque - celle d’une terre plate encore bordée de gouffres inconnus.
À Bruère-Allichamps, force est de constater que faire un saut dans l’inconnu ne revient pas forcément à se jeter dans le vide. J’en ai fait l’expérience édifiante et ne serait ce que pour ça, ce passage au Centre valait bien le détour.
E.T.










